Zoom, Skype & consorts : sont-ils le nouvel horizon de nos vies ecclésiales ?
- Jérémie R. | Pasteur
- 21 mai 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 sept. 2020
La question pourrait très bien se poser, compte tenu du nombre exponentiel d’interactions sociales sur ces plateformes. Le télétravail semble être la solution idéale à la distanciation sociale nécessaire à notre époque contaminée, mais aussi au désengorgement des moyens de transport. Jamais autant de cultes, conseils d’églises, études bibliques, réunions de prières, etc... n’auront été programmées. Par nécessité, même les plus récalcitrants s’y sont convertis : des plus technophobes jusqu’à nos aînés isolés.
Nécessité faite loi : « be connected or be nothing ». Situation binaire & somme toute, assez violente dans l’adaptation imposée.
Le point de bascule est tel que nombreux sont ceux aujourd’hui à imaginer qu’il y a là un nouvel espace — certains parlent d’eldorado — pour l’humanité.
Yuval Noah Harari, dans son livre Homo Deus : une brève histoire de l’avenir prédit un horizon d’immortalité numérique pour l’humanité. Il décrit un homme qui ne supporterait plus son enveloppe charnelle étriquée pour choisir volontairement de se digitaliser et accéder ainsi à l’éternité. Dans un monde limité à la circonférence d’un globe vidé de Dieu, il n’est pas étonnant que certains y réfléchissent et que les oracles du technoscientisme nous promettent ce type de destinée. Passons…
J’entends aussi parler d’une curieuse idée : celle de faire une sorte de communauté d’église virtuelle reliée par des prédications YouTube & leur fil de commentaires live accompagnés par des modérateurs. Une sorte de culte communautaire en direct puis en différé — un peu comme un Netflix spirituel à la demande — avec ses sujets accrocheurs & ses prédicateurs à l’affiche. La question de la production de « contenus » devient centrale : vous noterez l’évolution sémantique... Les statistiques sont là & les clics « objectivent » une demande effrénée. C’est là qu’il faut être : la marque d’une époque, me direz-vous.
Si la nécessité du moment peut faire sens, l’idée de sa pérennisation peut poser question. Quel en sera l’impact ? Que dire des habitudes accumulées durant des mois ?
Et de frémir comme un simple voyagiste dont le modèle est complètement bouleversé : les travées de nos églises seront-elles d’une quelconque utilité demain, lorsque le «cheminement » spirituel se fera comme à la visite de certains grands musées virtualisés ? Sommes-nous condamnés à la tragédie de cinémas agonisant lentement à la périphérie des villes ? L’argument d’une expérience collective semble désuet à l’heure de l’écran roi, de son écran à soi. Et s’il est possible de partager à distance une même série avec ses amis, quel sera notre rapport demain à l’effort du déplacement & de la logistique pour les rejoindre dans le réel ? Après tout, ça marchait plutôt bien en virtuel…
Faire d’une église numérique l’avatar d’une relation de chaire incarnée… même Dieu ne l’avait pas imaginé !
C’est plutôt le chemin résolument inverse que Dieu entreprit, trop conscient des risques pour l’esprit humain de s’extraire hors de Son réel !
Pour contrer le risque d’entrer dans la virtualisation spirituelle permanente (& pharisiennement excessive) face à une vie devenue trop inamicale (au temps de l’envahisseur romain), Il choisira l’incarnation : un gros mot pour dire qu’Il lui fallait concrètement être au milieu des hommes… et ne plus être cantonné par eux aux nuages. 400 ans de silence depuis les prophètes, entre l’Ancien & le Nouveau Testament, avaient laissé des traces.
« Il fallait » (expression fétiche du Christ) pour que relation se fasse « en vérité, » qu’une Parole du fond des âges devienne Présence. Ainsi était-ce le coût nécessaire à l’urgence d’alors & de toujours pour l’homme d’ailleurs : urgence, pour sortir de la névrose, d’une existence désincarnée faisant l’économie d’une altérité… pleinement incarnée.
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